INGENIEUX ET NON INGENIEUR...

Par : H.B.

Portrait de René Fonck
Origines : SHAA
Un héros est aussi un personnage à légendes. Pour René Fonck, il en est une de taille : ingénieur des Arts & Métiers. Les dictionnaires les plus huppés, forcément savants et donc plus qualifiés, l’écrivent avec un ensemble si touchant que cela en est forcément vrai...Apparemment bien placé pour en connaître, le dictionnaire des parlementaires français de 1919 à 1940 l’a écrit le premier et, dans la foulée, tous les biographes professionnels et amateurs.

La méthode Coué, ça existe...Le XXIe siècle arrivé, des surdiplômés en histoire reprennent allègrement cette assertion, la recopient servilement sans se donner la peine de vérifier, ni même de s’étonner qu’à sa toute première incorporation en août 1914 à Dijon il soit fait état de sa seule qualification professionnelle acquise : ajusteur mécanicien. C’est tout. Le reste est littérature...

Bien des ingénieurs des A.& M. issus des écoles nationales connues se sont demandé d’où, quand et comment l’As des as pouvait se prévaloir de cette qualité. Des recherches ont été faites dans les registres des établissements, les annuaires des promotions. Inversement, aucune école ne l’a revendiqué comme élève de notoriété. L’ingénieur R. Fonck est inconnu à ce bataillon-là.

Il a fallu 2002 pour que le premier biographe signalé, Claude Perrin, fasse le tour des écoles et se rende compte qu’il y a un "truc" quelque part. Les biographes suivants Corinne Micelli et Bernard Palmieri ne sont pas tombés non plus dans le panneau, ce qui n’a pas empêché d’autres de continuer à recopier sereinement. "Perseverare diabolicum..."

Alors, où est l’erreur, que l’aviateur lui-même n’a pas fait gommer ? Il existe bien un papier militaire d’époque qui porte cette mention "Arts & Métiers", mais le mot "ingénieur" n’y est pas écrit. Ceux qui ont connu la "grandeur" de la chaîne d’incorporation des recrues, qui n’existait pas en août 1914 où il fallait mobiliser et équiper au plus pressé, n’ignorent pas que le "bleu" peut déclarer n’importe quelle qualification. Personne n’ira voir...

Il est difficile d’imaginer a posteriori le dialogue qui a pu avoir lieu entre Fonck et le greffier de son incorporation.

Malentendu ? Toujours est-il que la mention est restée et n’a été nulle part été démentie par écrit par le principal intéressé. Ingénieux, d’accord, il l’a été, on en a la preuve...

Un biographe consciencieux qui veut bien étudier année par année le cas de Fonck ne peut pas même vérifier s’il a obtenu le fameux certificat d’Etudes primaires, l’irremplaçable et historique "certif". Possible, mais aucune preuve, tant Saulcy s/Meurthe a été brûlée en 1944 et en 1944. Jusqu’à son incorporation, on ne lui connait aucune année de scolarité, même si dans sa profession de foi électorale parue en 1919 dans " L’Union Républicaine des Vosges", une qualité d’élève au Collège de garçons à Saint-Dié lui est attribuée. Nulle trace, nulle preuve de cette filière, de classe, ni de baccalauréat.

Adolescent, on sait où il a appris l’ajustage et la mécanique élémentaire, à Merviller, à Saulcy et à Saint-Dié, mais c’est tout et c’est cohérent.

Il y a surtout que l’on se demande comment sa pauvre mère Julie, subitement veuve en 1898 avec trois tout jeunes orphelins de père, obligée de trouver sa subsistance en rentrant dans une famille solidaire, comment aurait-elle pu, sans revenu ni allocations, vivre à quatre et payer en même temps de pareilles études à René ? Seule solution pour ces générations de 1910 : l’atelier, l’usine.

René y entra pour aider sa mère.

Quand on y réfléchit un tant soit peu...
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