CHAQUE ONZE NOVEMBRE

Par : H.B.

La tombe de l’As des As.
Depuis sa création, l’association "Mémoire de René Fonck" a institutionnalisé une démarche : fleurir sa tombe au cimetière salixien, à la date sacrée entre toutes : au matin de chaque 11 Novembre (1). Alors maire, Mme Anne DELHOUME, et le président de l’association M. Robert PRUDENT, furent les premiers à fleurir, chacun dans sa fonction, le linceul de marbre de plusieurs membres de la famille de l’As des as : sa mère Julie, ses deux soeurs Yvonne et Emilienne et leur mari respectif, deux couples unis, sans enfant.

Depuis, la démarche est devenue tradition. Entourée des deux vice-présidents, qui appartiennent à l’ANSORAA, et de membres du Comité, Mme Raymonde DUMENIL, présidente, fleurit la sépulture en compagnie de Mme Jocelyne BANON.

Cousine locale plus proche de René FONCK, celle-ci se fait un devoir d’entretenir également la sépulture familiale de sa propre initiative à chaque Toussaint. Fils de l’As des as, M. Edmond-René FONCK, sensible à cette démarche, adressa de se retraite, peu après la cérémonie de 2010, un message de remerciement à M. et Mme Jacques DUMENIL.

En dernier lieu, le maire M. Jacques JALLAIS s’était également joint aux représentants de l’association pour déposer l’hommage floral de la Commune sur le plus illustre nom de ses enfants.

LES DEFUNTS REUNIS

Yvonne FONCK épouse PANIN, décédée le 6 février 1990 à Saint-Dié, chevalier de la Légion d’Honneur au titre de la Défense, décorée par le Général Guy MEIGNIER le 23 janvier 1988 à Saulcy, titulaire de la Médaille militaire et de la Croix de guerre 1939-45 avec palme (citation de Corps d’armée) remises en décembre 1982 par le ministre de la Défense Ch. HERNU à Saulcy, de la médaille des Combattants Volontaires de la Résistance, de la Medal of Freedom (Eisenhower) remise en 1946 par un général américain à Montbéliard, de la Reconnaissance de la Nation (Généraux de GAULLE et de LARMINAT du 21 mars 1950) et de la médaille des Evadés et Passeurs, fut arrêtée en 1944 avec son mari, le capitaine d’artillerie de réserve Raymond PANIN. président des Anciens combattants de Saulcy et chef de Secteur de résistance, fils d’un instituteur de Taintrux.

Pour avoir recueilli un pilote new-yorkais de 22 ans tombé en B17 le 13 juillet 1944 dans le Bas-Rhin et qui avait traversé le massif vosgien à la boussole, le trio fut embarqué en camion, direction le camp de Schirmeck. Transféré fin 1944 au camp de concentration de Gaggenau-Rotenfels (Bade), Raymond PANIN y mourut de misère à 47 ans le 13 mars 1945 et fut inhumé le 16 juin à Saulcy. Le sergent aviateur Jérôme V. HARLEY, francisé en pseudo-neveu TOUSSAINT par ses sauveteurs, ne survécut pas. Il serait mort à Nancy.

Marie-Emilienne, née le 12 mai 1897 à La Croix-aux-Mines, est décédée accidentellement le 30 juin 1974 sur une route de Saulcy s/Meurthe, et son mari, Albert LAFONTAINE, né en 1896 et inhumé le mercredi 8 août 1984, après une carrière ferroviaire. Homme d’une "haute conscience professionnelle et d’une humilité sans borne, M. A. LAFONTAINE eut mainte difficulté avec l’occupant, alors qu’il travaillait à la gare-frontière d’Avricourt (Moselle), où son foyer fut sinistré " (2).

A sa mort le 18 juin 1953, René FONCK rejoignit sa mère Julie, née SIMON en juin 1868 à Saulcy et décédée en 1941. L’avis de son décès parut dans "L’Express de l’Est" le samedi 17 mai 1941. A cette époque, la pagination locale des quotidiens était tant contingentée que les avis mortuaires servaient aussi, par mesure d’économie de papier journal, d’avis de remerciements. Ils ne paraissaient donc bien souvent qu’après l’enterrement.

Ce fut le cas pour l’avis de Mme Veuve Julie FONCK, dont les obsèques avaient eu lieu le lundi 12 en l’église de Saulcy. En dépit de la notoriété du nom, il n’y eut pas de notice nécrologique. La raréfaction de l’information était telle que, pendant plusieurs semaines, le nom de Saulcy n’apparait pas. Pour les 516 communes des Vosges, le titre ne disposait que de 2 pages en demi-format et il fallait consacrer par priorité de la place aux nécrologies des combattants tombés en mai-juin...1940, et que l’on relevait ça et là.

Fille de Julien, mort le 22 avril 1910 à l’âge de 70 ans, et de Juliette THOMAS, décédée le 15 avril 1924 à l’âge de 83 ans, Marie Julie avait neuf frères et soeurs. L’amour filial de René FONCK pour sa mère et son affection pour ses soeurs sont amplement attestés par toutes sortes d’exemples écrits et imagés, qui prouvent l’union familiale. Paradoxalement, on ne trouve pas telle démonstration à l’égard de son père, du fait de son si jeune âge à la mort tragique de celui-ci. Ce père resta symbolisé par allusions dans le souvenir de l’injustice infligée par le sort de 1870. But : la reconquête de l’Alsace-Lorraine, arrachée par le Kaiser.

DESCENDANT DES OPTANTS

Victor FONCK, cinquième des enfants de Jean-Baptiste, naquit le 4 janvier 1871 à Ranrupt, commune du canton de Saâles qui se trouvait alors dans l’arrondissement de Saint-Dié, mais sur le versant Est. Du fait du Traité de Francfort et de la Convention additionnelle de Berlin, l’arrondissement de Saint-Dié fut amputé de deux cantons (Saâles et Schirmeck soit 18 communes) qui ne lui furent pas restitués fin 1918. Dès lors se mirent en route des milliers d’optants vers la "Vieille France", par des chemins difficiles et des moyens précaires, des convois hippomobiles chargés de familles et bagages. Dramatique exode, et séparation douloureuse par amour de la France.

Victor n’avait pas 2 ans quand il fut ainsi emmené en 1872 sur le versant lorrain du massif vosgien. Jusqu’à son mariage, son enfance et son adolescence dans la région proche de Saint-Dié, n’ont pas laissé de traces. Après son mariage avec Melle Julie SIMON, de Saulcy, il connut, de scierie en scierie, une existence de dur labeur pour nourrir trois enfants nés au gré des emplois : René né en 1894 à Saulcy, puis Emilienne en 1897 à La Croix-aux-Mines et Yvonne, en 1898 à Ban-sur-Meurthe.

C’est alors que se produisit un accident de travail, courants dans la profonde forêt vosgienne où le charroi des grumes ou des planches par attelages de boeufs, avait pour ennemis les pentes, les ravinements entre les pierrailles et les lacets du cheminement.

"L’IMPARTIAL DES VOSGES" relate dans son n°25 du 18 juin 1898 le fait divers suivant en chronique de Ban -sur-Meurthe : "Samedi soir, M.Félicien FONCK, sagard à Ban-sur-Meurthe, revenait avec une voiture chargée de planches, quand à Sachemond, près de la scierie Lalevée, il tomba accidentellement sous le véhicule, dont une roue lui passa sur la tête. On se porta immédiatement à son secours, mais quelques instants après, le malheureux succombait à sa blessure."

La "GAZETTE VOSGIENNE" relate dans son n°102 du dimanche 19 juin 1898 en chronique de Ban-sur-Meurthe : "Samedi soir 18 juin 1898, un nommé Félicien FONCK, sagard à Ban-sur-Meurthe, est tombé accidentellement sous les roues d’ une voiture chargée de planches, près de la Scierie LALEVEE. Il a eu la tête écrasée. Il a expiré dans les bras de M. LEMAIRE, instituteur, qui s’était porté à son secours".

Coïncidence historique : ce M. LEMAIRE, prénommé Joseph, était instituteur à l’école du hameau de Sachemont. Il était le père de Maurice, alors âgé de 3 ans, futur ingénieur X, directeur général de la SNCF et président de l’Union Internationale des Chemins de fer et homme politique important des Vosges, plusieurs fois conseiller général, député (1951-1978) et ministre (Reconstruction, Industrie, Commerce). Il avait sous les yeux le père de René 4 ans, lui aussi futur député des Vosges et gloire de l’aviation française et alliée.

Le malheur était insondable pour la pauvre famille. La veuve de Victor-Félicien avait accouché du 3ème enfant, Yvonne, le 2 juin. On enterra son mari sans aucun doute en fosse commune, au cimetière de Clefcy et Ban. Les registres d’état-civil communal ayant brûlé en novembre 1944, on ne dispose que d’une trace écrite sur le registre paroissial des sépultures pour l’année 1898, échappé à l’incendie. La date du décès parait se situer au samedi 11 juin (et non 18). En effet, l’inhumation porte la date manuscrite du 13 juin et l’orthographe de FONK :"L’an mil huit cent quantre vingt dix-huit, le 13 juin, a été inhumé Victor FONK, âgé de vingt.sept ans, époux de Julie SIMON, décédé subitement à la suite d’un accident".

Suivent trois signatures : SIMON, FONCK, DURAIN, curé. Pas de trace manuscrite de messe d’obsèques, ni de bénédiction, ce n’était pas l’usage d’en porter mention sur les registres, ainsi que nous l’a précisé le 27 janvier 2007 M. l’abbé Gilbert FRECHARD, curé d’Anould, que nous remercions. De même, pas de trace de baptême d’Yvonne dans le registre ad-hoc de l’église de Clefcy. Pas davantage encore d’un baptême de René en 1894 à Saulcy, toujours pour la même raison des incendies effectués par l’ennemi tout au long de la "Vallée des Flammes".

La veuve de René FONCK, née Mathilde-Adrienne-Edmonde SILVESTRE et dite Irène BRILLANT à la Comédie Française, acheva sa vie à Paris auprès de sa fille Marie-Anne et revint par intervalles à Saulcy, notamment pour des cérémonies commémoratives. Décédée en 1997 à Paris, elle ne repose pas près de son mari. Ses obsèques eurent lieu à l’église Saint-Philippe-du-Roule et son inhumation suivit dans l’intimité le 28 octobre.



(1) Voir : aerosteles.net (lieux de mémoire aéronautique) - Communes de Paris (VIIIe) et en Vosges, Saulcy-sur-Meurthe et Remomeix.
(2) Témoignage de L. GALMICHE - L’E.R. 7.VII.1984
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